L’école primaire de Scott : comment faire rimer pédagogie et résilience !

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En juillet 2021, la Belgique était frappée de plein fouet par des inondations historiques. Le sud du pays, fortement touché, avait vu un grand nombre de ses villes impactées, et de fait, leurs écoles. Le hasard de notre expédition au Québec pour le Sommet du numérique en éducation, a voulu que nous soyons amenés pour nos amis et collègues de l’École branchée, à visiter la petite école de Scott, qui elle aussi a subi des inondations en 2019. Une école détruite, et des élèves devant pourtant continuer à suivre les cours, pour au final quel résultat, quel aboutissement, quels changements ? 

On vous relate ici une visite touchante, tant par la résilience de l’équipe pédagogique, que par le virage inspirant que les enseignants et la direction ont pu prendre pour totalement revoir leur manière de fonctionner. 

Dans un premier temps, les différents élèves ont pu regagner les cours dans des locaux préfabriqués. Cette solution bien que temporaire, aura permis à l’équipe éducative ainsi qu’aux élèves de rebondir une première fois pour retrouver le chemin des classes. En 2019, la même année, le premier ministre de l’époque fait l’annonce d’une nouvelle école à Scott. Le délai de construction annoncé fut de deux ans, pour une nouvelle école flambant neuve. 

Un nouveau bâtiment, et après ?

Nous débutons notre visite en nous faisant accueillir par Sylvie Poulain, directrice de l’école d’accueil de Scott. Á travers une découverte des différents locaux, elle nous relate l’histoire de l’école, et les défis auxquels son équipe à dû faire faire après la dernière inondation. « On s’approprie notre espace » nous dit-elle, et quel espace ! 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les pouvoirs publics ont mis les moyens à la hauteur des ambitions en présence. L’école est flambant neuve, mais il serait trompeur de considérer l’architecture et le matériel comme étant le point décisif, le plus important se trouve ailleurs ! L’école compte actuellement 284 élèves, elle dépassera les 300 l’année prochaine certainement, pour une capacité finale où il serait possible de dépasser les 500 élèves. 

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« C’est un bâtiment très beau, mais c’est ce qui va s’y passer qui est le plus important »

Sylvie Poulain (directrice de l’école d’accueil de Scott)

La directrice nous confie que son rôle était d’être « la facilitatrice » de ce changement : que l’on aime ce terme d’une direction qui accompagne, qui soutient, qui permet à ses enseignants d’appréhender positivement le changement et le défi qui s’annonce ! Un discours inspirant, dans un lieu qui l’est tout autant par son ambiance, sa philosophie. 

Lorsque je demande quelles sont les valeurs de l’école, la réponse est d’autant spontanée : 

  • La bienveillance
  • L’engagement
  • La collaboration
 
Ces mots ne devraient-ils pas résonner de manière universelle chez tous les enseignants et toutes les directions ? Nous avons bien pris le temps d’écouter, d’analyser, d’échanger avec des enseignants sur place. Croyez-moi : ces mots ne sont pas uniquement une belle façade, mais prennent tout leur sens dans les actes de l’équipe pédagogique. 
 
« Tout était à construire » nous dit ensuite Sylvie Poulain, ces mots concernent autant la construction du bâtiment, que sur la réflexion de la pédagogie qui y sera développée ! 

L'aspect matériel : l'une des variables

« Un beau bâtiment » qui rend possible de nouveaux projets, et de nouvelles manières de penser sa pédagogie : c’est ce que nous décidons de retenir de la visite sous un aspect « matériel ». Le bâtiment est grand, aéré, et chose qui selon moi à son importance, il est extrêmement lumineux avec une vue ouverte en casi permanence sur l’extérieur. 

Même si je n’ai jamais eu l’occasion d’en visiter une, ce modèle me fait pas mal penser à celui de certaines écoles nordiques, où le bien-être de l’élève est mis au centre des préoccupations. La création de cette école a suivi le principe du « design thinking » que nous avions déjà pu observer lors de notre visite de l’école Saint-Anne l’année passée

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Lors de notre visite, quelques coups de cœur viennent cependant taper à la porte de ma curiosité. La première, et non des moindres, est le fait que l’école dispose de deux locaux d’orthopédagogie totalement aménagés. L’école compte également deux orthopédagogues, qui s’occupent de manière spécifique des élèves en difficulté, dans des moments où ils sont sortis de leur classe habituelle (et donc en petit groupe). La directrice m’explique que c’est elle qui donne les tâches à effectuer à ses orthopédagogues, afin de permettre différents accompagnements (la direction est donc également libre à ce niveau). 

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Second coup de cœur dans l’école, le local de musique ! Cela peut sembler accessoire, mais les compétences et la créativité développées lors de tels cours peuvent tellement apporter aux élèves. Ce local est à l’image de l’école : il se donne les moyens de son ambition, et place la créativité et l’activité au centre de la réflexion des locaux. 

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Notre visite de l’école nous permet aussi de voir d’autres aménagements tout aussi intéressants, comme le fait par exemple que des parois peuvent être bougées, organisées, et aménagées différemment pour donner des locaux plus ouverts, où à l’inverse qui donne une disposition plus intime. La flexibilité est le maître mot ici ! 

Avec de telles possibilités, les mots de la directrice prennent plus que jamais leurs sens : le véritable défi, sera celui de l’appropriation pédagogique. Avec un nombre important de portes à ouvrir, repenser sa pédagogie semble incontournable. 

Les salles de classes sont comme vous l’imaginez dans le prolongement des explications données dans les lignes précédentes : ouvertes, flexibles pour la plupart. Même si nous n’avons pu observer qu’un court moment les enfants en train de travailler, tous avaient le sourire, c’était très plaisant à voir. 

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Pour clôturer cette visite de l’école sous un œil architectural et matériel, on notera aussi les espaces de liberté, ainsi que les lieux où les élèves et enseignants peuvent se rassembler de manière plus informelle. Ces lieux, incitent également à la collaboration, à l’échange, à la discussion. Nous-mêmes en tant qu’adultes avons bien profité de ces espaces pour pouvoir échanger lors de cette visite ! 

Que dire de la cours de récréation, aménagée en terrasses, et permettant de manière habile aux enfants de profiter d’un espace qui mobilise à l’extérieur, pour travailler leur psychomotricité. 

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En terme de matériel numérique, l’école est équipée de TBI, mais également d’une flotte d’Ipads qui sont partagés pour toute l’école. Le choix s’est également porté sur des Chrome Book. Chaque élève de la 5e à la 6e, dispose de son Chrome Book en prêt pendant le temps qu’il est à l’école et en classe. Côté gestion, une personne détachée est responsable du matériel.   

L’enjeu du matériel numérique est suivi de prêt par la direction, qui s’interroge tout comme nous avec cette question très pertinente « le numérique oui, mais pour quelles plus-values et utilisations ? » , entendez par là que la réflexion en amont pour le déploiement est bien opérée, et que les utilisations « gadget » sont proscrites. 

Repenser la pédagogie et ses évaluations

Vous l’aurez compris avec point précédent, bien que l’aspect matériel soit un élément clé dans la résilience de cette école, il ne serait rien sans être accompagné d’une profonde réflexion et changement pédagogique. Ainsi, nous avons eu l’occasion de poursuivre notre visite avec une enseignante impliquée dans ce changement : Annie Guay.

Annie nous explique sans langue de bois les défis de ce changement, et ce qui l’a poussée (même bien avant l’inondation) à réfléchir sur ses pratiques d’enseignante. 

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« Tout est à apprendre, mais on récolte ce qu’on a mis en place depuis le début »

Annie Guay (enseignante à l’école d’accueil de Scott)

Annie déambule dans les couloirs de l’école avec nous, entre deux salles de classe, je l’écoute attentivement, tant son discours est intéressant pour comprendre comment un changement peut partir également de la base. Elle m’explique que tous les espaces disponibles sont potentiellement maintenant des prolongements de la classe. L’enseignant se réapproprie l’espace dans lequel il travaille, et c’est tout bénéfice pour les élèves. 

Annie m’explique également que du temps supplémentaire a été accordé à l’équipe afin que celle-ci puisse se former à ces nouveaux outils, à ces nouvelles pratiques. Cela a donc demandé de l’investissement de la part des enseignant.es. 

Nous sommes interrompus dans notre échange par une collègue d’Annie qui lui signifie qu’une élève entend « tout ce qu’elle dit ». Si vous prêtez bien attention à la photo précédente, vous pourrez observer sur le col de son vêtement, l’objet de cette interpellation. 

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L’appareil que Annie tient entre ses mains, permet à une élève malentendante (et disposant d’appareils cochléaires) d’entendre directement ce que Annie dit. Le dispositif est relié par Bluetooth directement à l’appareil de l’élève, ce qui lui permet de suivre le cours comme ses autres camarades. On ne définirait pas mieux l’inclusion ! 

Annie nous explique ensuite que l’autre chantier de ce changement, c’était de repenser les évaluations

« Ce qui crée l’anxiété, c’est que l’élève ne sait pas à quoi s’attendre en terme l’évaluation. Il faut alimenter le gout d’apprendre »

Annie Guay (enseignante à l’école d’accueil de Scott)

 

« Le cumul des notes n’est pas représentatif » nous explique Annie, et on ne peut que la rejoindre dans nos différents échanges. Il est fou de se dire, qu’à un peu plus de 5000 kilomètres de chez nous, d’autres enseignant.es se questionnent également sur des problématiques qui nous touchent. 

Le basculement définitif de cette réflexion au sujet de l’évaluation eu lieu lorsque les enseignant.es de l’école ont identifié une difficultés importante chez leurs élèves : ceux-ci n’aimaient pas écrire.  

Les professeurs ont ensuite collaborés pour comprendre ce qui incitait les élèves à écrire davantage. Par la suite, ces derniers ont revu les critères d’évaluation : « on est passé de l’évaluation de la connaissance à l’évaluation de la compétence ». Á l’aide d’activités créatives et engageantes, qui permettent à chaque élève de montrer leurs forces, la motivation grandit : « maintenant les élèves ne veulent pas aller à la récréation car ils veulent écrire » nous dit Annie en rigolant. 

Autre facteur important de changement : l’utilisation du principe de triangulation pédagogique. On évalue plus seulement sur les productions des élèves, mais également sur les conversations, les observations que l’on peut faire de sa progression. 

Á l’école, les enfants peuvent compiler le résultat de leurs différents travaux à l’aide de Seesaw (un portefolio numérique), ce qui permet d’avoir une meilleure vue de l’ensemble de leurs productions. 

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Conclusions

L’enseignement est un domaine soumis à de nombreux défis humains et pédagogiques. Lorsqu’une difficulté se présente, lorsqu’un changement profond s’impose, certaines écoles et équipes font le choix de le prendre en marche plutôt que d’en être les spectateurs (ou victime). La phrase qui résumerait le mieux cette visite serait « comment faire d’une difficulté, une véritable force de changement positif ? »

La résilience de l’école de Scott est admirable. Son équipe et ses projets sont touchants. Cependant, cela ne serait certainement pas possible sans un soutien accru des pouvoirs publics, ainsi que de la direction qui a su prendre une stature de facilitateur afin de permettre à son équipe de prendre confiance. 

Les évaluations doivent se mettre au service de l’apprentissage, tout comme le numérique. Tenir compte de ces points importants, c’est également favoriser le bien-être de l’élève, son bonheur de venir à l’école pour apprendre. Car oui, nous avons trop tendance malheureusement à perdre le sens de l’apprentissage et de la fonction première de l’école. 

Cette visite était pleine d’espoir, et doit raisonner chez chacun d’entre nous. Grand optimiste que je suis, je ne doute pas que nous pourrons tous en tirer quelque chose de positif pour améliorer durablement l’enseignement avec grand « E ».

Encore merci à nos amis et partenaire de l’École branchée pour cette fabuleuse visite, ainsi que la direction et l’équipe pédagogique de l’école pour son merveilleux accueil ! 

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Laurent Di Pasquale

Formateur TICE pour l’eduLAB